La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique formule des propositions qui visent à fournir aux citoyens une information correcte et précise sur la façon dont s’élaborent les décisions publiques.
Depuis la création du répertoire des représentants d’intérêts en juillet 2017, la Haute Autorité observe en effet des difficultés persistantes au dispositif en vigueur, liées à son cadre juridique particulièrement complexe découlant du décret du 9 mai 2017. Afin de renforcer la lisibilité et l’efficacité du registre, il apparaît dès lors nécessaire de procéder à plusieurs modifications législatives et réglementaires :
1. Supprimer « le critère de l’initiative »
La définition d’une action de représentation d’intérêts est particulièrement restrictive puisque l’interaction avec le responsable public doit être à l’initiative du représentant d’intérêts. Sont ainsi exclues toutes les auditions et consultations réalisées à la demande d’un responsable public, des entrées en communication qui constituent un pan important des activités de lobbying.
Ce critère de l’initiative crée également une distorsion dans les déclarations d’activités sur le registre puisque les grands acteurs, souvent consultés par les décideurs publics, n’ont pas à déclarer de telles actions ni les moyens qui leurs sont consacrés, contrairement aux petites entités, qui doivent solliciter directement les responsables publics.
Enfin, ce critère est un élément difficilement identifiable dans le cadre des contrôles que mène la Haute Autorité et s’avère parfois complexe à mettre en œuvre pour les représentants d’intérêts eux-mêmes.
2. Revoir les critères d’identification du représentant d’intérêts
Afin de qualifier une personne physique ou morale de représentant d’intérêts, il faut que cette personne mène une activité de représentation d’intérêts de façon « principale ou régulière ». S’agissant des activités de représentation d’intérêts exercées à titre régulier, le décret du 9 mai 2017 dispose que ce critère est rempli lorsqu’au sein d’une personne morale, une personne physique « entre en communication au moins dix fois au cours des douze derniers mois » avec un responsable public. Cette interprétation conduit donc à l’obligation d’inscription d’une entité dont au moins un employé réalise dix actions mais exclut celle dont plusieurs salariés réalisent chacun neuf actions.
Il conviendrait donc de modifier la définition d’une « activité régulière » de représentation d’intérêts en permettant que le seuil minimal des dix actions puisse être apprécié à l’échelle de la personne morale, c’est-à-dire en additionnant l’ensemble des actions réalisées par les personnes physiques qui y sont rattachées. Cette évolution du dispositif serait en outre de nature à simplifier les conditions d’inscription sur le répertoire, dès lors que chaque action de représentation d’intérêts réalisée par une personne physique serait comptabilisée.
3. Clarifier le champ des décisions publiques visées par le registre
La Haute Autorité regrette que la liste des décisions publiques visées par le dispositif, fixée par le décret, ne soit pas assez précise, s’agissant notamment de la mention des « autres décisions publiques ». La Haute Autorité a apporté certaines précisions à cette catégorie très large, en excluant par exemple certaines entrées en communication liées à des décisions individuelles, une interprétation qu’il conviendrait de formaliser en ajoutant une annexe au décret.
4. Obtenir des déclarations plus précises
Le décret prévoit que doivent être renseignés le « type de décision publique » visé par l’action de représentation d’intérêts ainsi que la « catégorie des responsables publics rencontrés ». Ce choix limite la portée du registre et ne répond pas à la volonté de législateur de faire de ce dispositif un outil permettant de retracer l’empreinte normative. Ces catégories ne donnent en effet que peu d’informations sur les actions de lobbying effectivement menées. Il pourrait être ainsi proposé aux représentants d’intérêts d’indiquer dans la rubrique « Observations » la fonction du responsable public avec lequel ils sont entrés en communication (par exemple « ministre de l’Agriculture » à la place de « membre du Gouvernement ou membre de cabinet ministériel ») ainsi que la décision publique concernée lorsque celle-ci est identifiée (par exemple « loi bioéthique » à la place de « lois, y compris constitutionnelles »), ce que font déjà un certain nombre de représentants d’intérêts.
5. Revoir le rythme de déclaration
Un rythme de déclaration semestriel et non plus annuel serait plus adapté afin d’assurer une plus grande proximité entre les informations contenues dans le registre et la date des actions de représentation d’intérêts effectivement réalisées. D’autres pays ont fait ce choix, à l’image de l’Australie, du Canada ou de l’Écosse.
6. Consolider les déclarations au niveau des groupes de sociétés
Le dispositif actuel implique que la qualification de représentant d’intérêts doit être appliquée à chaque personne morale qui remplit les critères prévus par la loi. Tant la société mère que ses filiales doivent ainsi comptabiliser leurs actions de représentation d’intérêts afin de savoir si elles doivent individuellement s’inscrire sur le répertoire. Il en résulte une inscription éclatée entre plusieurs entités et des déclarations éparpillées, sans vue d’ensemble sur les actions de représentation d’intérêts du groupe. La non-consolidation des déclarations empêche en outre d’avoir une vision globale des moyens budgétaires et humains alloués à la représentation d’intérêts par le groupe de sociétés.
Par comparaison, le registre européen de transparence a fait le choix de « l’enregistrement unique » afin « d’éviter les enregistrements multiples et réduire la charge administrative », l’enregistrement incombant « dans la pratique […] en règle générale, à la succursale ou au bureau représentant les intérêts de l’entité auprès des institutions de l’UE ».
Pour faciliter l’exercice de ses missions, la Haute Autorité propose également :
– d’introduire, dans le cadre du contrôle des obligations déclaratives et déontologiques des représentants d’intérêts, une sanction administrative d’entrave aux missions de ses agents ;
– de la doter d’un pouvoir propre de sanction administrative dans les situations de non dépôt d’une déclaration d’activités par un représentant d’intérêts.
Enfin, la Haute Autorité encourage par étapes, la publicité en open data des rencontres des responsables publics (notamment les membres du Gouvernement, parlementaires, rapporteurs sur un texte, présidents de commissions au sein des deux assemblées) avec les représentants d’intérêts pour rendre plus transparentes leurs relations.